Depuis plus de cent soixante ans, la librairie Ferin est la seule de Lisbonne à vendre des livres francophones et lusophones.
Ils sont là, dès le seuil de l’entrée franchi. Sur un tourniquet, « La Création du monde », de Jean d’Ormesson, côtoie un tome
du « Petit Nicolas », de Goscinny, et « Le Tour du monde en 80 jours », de Jules Verne. Les ouvrages d’Histoire qui les jouxtent exhument la vie des grands du passé, comme Louis XIV, Churchill ou De Gaulle. La particularité de ces livres ? Ils sont écrits en français.
Au cœur du quartier de Baixa, la librairie Ferin est l’unique lisboète à vendre des ouvrages francophones et lusophones. Sur les quatorze
mille livres qui saturent les étagères murales et les présentoirs marron clair, trois mille sont français. Une tradition qui a pris racine dès la naissance de la librairie, en 1840.
« La sœur de mon arrière-arrière-grand-mère s’est mariée avec un libraire français et a ouvert cette boutique », raconte João Paulo Dias Pinheiro, qui dirige la librairie familiale depuis quarante ans. Ce descendant des Ferin, costume bleu nuit élégant et cravate rouge bordeaux, generic cymbalta reçoit cymbaltaonline-pharmacy.com au sous-sol qui fait office de salle de conférence – l’ambassadeur d’Argentine est attendu dans deux jours – où trônent des reliquats familiaux.
« Je ne cherche pas à faire une Fnac »
Machine à écrire ancienne, vieille armoire à tiroirs d’imprimerie, lettre encadrée promouvant l’un de ses ancêtres chevalier de l’ordre royal : tout rappelle le prestige de la famille et le rayonnement de son entreprise. Car la maison Ferin a joué un rôle dans tous les domaines du livre. Après un éphémère cabinet de lecture, ouvert en 1839, les Ferin ont aussi formé une maison d’édition, entre la fin du XIXe siècle et 1940. Surtout, après le mariage d’une fille de la famille avec un relieur, cette nouvelle activité est pratiquée à partir de 1851 – elle se terminera à la fin du siècle. La maison Ferin devient même relieur de la famille royale du Portugal – et appose sa signature sur tous les livres du royaume.
« Dans tous les domaines, la culture française imprègne les autres ; en particulier au Portugal, où l’invasion napoléonienne a favorisé l’implantation d’une communauté française, et où beaucoup de Portugais ont appris la langue », commente M. Dias Pinheiro, crâne dégarni et moustache grisonnante, qui triture un élastique avec sa main gauche. Pour les livres francophones, deux publics distincts, d’après le directeur : les Français en vacances « qui achètent pour bouquiner », et les Portugais.
« Je ne cherche pas à avoir le dernier best-seller ni à faire une Fnac [située à quelques mètres, dans Baixa] mais à proposer une librairie ‘‘de fond’’, explique le directeur. Les Portugais qui achètent des livres français sont souvent âgés et aiment l’Histoire, les biographies ou la politique. D’ailleurs, certains hommes politiques du pays viennent en chercher. » Parmi les figures les plus plébiscitées, Napoléon bien sûr.
Le livre francophone menacé
« Les prix Médicis ou Goncourt sont aussi beaucoup vendus, car les Portugais suivent l’actualité littéraire en lisant notamment Le Monde », souligne M. Dias Pinheiro, qui parle un français hésitant mais appliqué. Pourtant, dans les rayons de la librairie Ferin, pas d’éditions trop onéreuses : seulement des livres de poche, qui s’écoulent plus facilement – « La collection Découvertes [qui mêle texte et photos sur un thème traité en une centaine de pages] de Gallimard a un succès énorme. »
Mais à terme, le livre francophone reste menacé. « Je fais partie d’une génération où tout le monde apprenait le français, l’anglais l’a remplacé », constate le directeur. Surtout, « la crise est triple : crise économique, de la lecture et du papier. » Pour l’instant, la librairie est plutôt épargnée par les turbulences car son « identité a http://abilifygeneric-online.com/catalog/Depression/Wellbutrin.htm permis d’avoir des clients fidèles ». Mais elles l’obligent à ne pas rester figée sur son assise historique mais à « se renouveler ». Car le descendant des Ferin l’assure : « Il faut toujours avoir de la vitalité. »
Youness BOUSENNA