Vendredi 14 février à Lisbonne. Se mettre à la recherche de la Saint-Valentin se révèle plus piquant que prévu.
J’avais très envie de penser que la Saint-Valentin pouvait être un jour comme les autres. Et j’y ai d’abord cru en interrogeant au hasard des
Lisboètes sur leurs projets du soir : « Rien, on n’a pas de copain », répond une fille accompagnée d’une amie, dans un sourire auréolé d’un appareil dentaire impressionnant. « Ça dépend des couples mais, en général, on va au restaurant et on s’offre des fleurs, lance une femme d’une trentaine d’années un peu blasée. Et vous qui êtes Français, quels sont vos projets ? » Excellente question.
Mais ce début encourageant cède rapidement la place à une vive inquiétude : on dirait que ça s’anime un peu plus bas dans le Chiado, le quartier branché du centre-ville. Plus on s’approche, plus il y a du monde, plus ça fait du bruit. Dans le Centre Commercial, un plateau télé improvisé, des caméras dans tous les sens, des flashs qui crépitent, des gardes du corps débordés, des adolescentes surexcitées… Et au milieu de ce joyeux fatras organisé par la chaîne musicale MTV, sur une scène de concert transitoire, un latin lover pousse sa chansonnette en grattant sa guitare, look raccord, t-shirt largement ouvert sur son torse poilu, barbe de cinq jours et mèche dans les yeux. Un régal.
La roue de l’amour
En contournant la scène, je découvre un hors-champ plus savoureux encore. Au premier rang, assises en tailleur, trois filles ont le regard qui monte au ciel. Elles atteignent péniblement les 40 ans à elles trois et maintiennent chacune leur longue chevelure avec un serre-tête lumineux rose en forme de nœud papillon. Un amour.
Le latin lover s’arrête de chanter, les décibels passent un cap inacceptable et une élégante présentatrice dans sa petite robe à pois invite le public à venir tourner la «roue de l’amour». A gagner : capotes, lubrifiant, sex-toys et tout plein de choses pour s’amuser.
Vingt minutes plus tard, reprise des choses sérieuses. Cinq Boys Band prennent place sur scène et entament ce qui a tout l’air d’être leur tube. Le public est en transe. Ça sort les iPhones, ça s’époumone sur le refrain, ça fait des cœurs avec les doigts. Un bonheur.
Des poèmes dans le métro
Après trois titres expédiés vient le moment de la séance photo. Les cœurs battent plus fort. Le clone de Justin Bieber embrasse une fan et lui glisse un mot à l’oreille. Sur le point de défaillir, elle s’accroche à un ami. Et le groupe de poursuivre comme si de rien n’était, en dépit du caractère manifestement dangereux de l’exercice. Une folie.
Eh donc non, la Saint-Valentin n’est pas un jour tout à fait comme les autres à Lisbonne. Dans les couloirs du métro, une dame déclame des poèmes. Elle s’appelle Rita, elle est comédienne. Visiblement ravie de voir mon intérêt, elle m’attrape par le bras et récite des vers chantant les amours d’une célèbre chanteuse de fado. Une extase.
Michel BEZBAKH