La crèche « Caritas » accueille les enfants pauvres de Lisbonne. Helena Veiga est la responsable de cet espace situé au coeur du quartier populaire de Carnide, dans la banlieue nord. Elle est née et travaille ici, au contact de trente-cinq enfants, victimes de la crise sans le savoir.
Helena Veiga dirige depuis 3 ans la crèche de l’association catholique « Caritas ». C’est tout naturellement que cette fervente croyante a choisi de mêler vie professionnelle et charité chrétienne. En bonne missionnaire laïque, sa trajectoire tient du sacerdoce : il y a vingt ans, elle décide de s’occuper des petits déshérités car elle veut « changer la donne ». Elle travaille dans une crèche le jour et suit des cours le soir.
Un parcours aux allures de chemin de croix pour certains mais pour elle c’est une vraie passion. « Ici, on s’occupe d’enfants dont l’âge va de quelques mois à 3 ans. Ce qui est passionnant dans cette période de la vie, c’est qu’on n’en garde aucun souvenir mais que tout en dépend. Si cette étape se déroule bien, l’enfant aura toutes les chances de se développer normalement et de réussir plus tard. » Une mission d’une importance capitale qu’on n’exerce pas pour la gloire. Mais Helena s’amuse du manque de reconnaissance: « Les gens ne savent pas toujours à quel point ce moment est décisif, nous sommes des travailleurs de l’ombre ! »
6 euros pour un mois de crèche
Aujourd’hui, Helena Veiga a 38 ans mais les bagues qu’elle a sur les dents au lieu de les avoir sur les doigts lui donnent un air adolescent. Il est bientôt midi, elle quitte son bureau et va faire risette aux nourrissons de la salle d’à côté. Des murs au papier-peint coloré, des peluches jonchant le sol et des bébés aux grands yeux étonnés qu’on ne tardera pas à coucher dans des lits surmontés de leur prénom en lettres de plastique. Une crèche ordinaire donc ? Pas tout à fait. Ici, on a la tâche délicate de dorloter les rejetons de lisboètes en délicatesse avec leurs banquiers. Les tarifs varient en fonction des revenus familiaux mais restent modiques. Les parents de Gustavo ne paieront ainsi que 6 euros pour un mois de crèche.
Mais pour Helena, la spécificité de son emploi
est ailleurs : « Je dois non seulement prendre soin des enfants mais aussi être psychologue avec les parents. » Il y a un mois, une mère débarque dans son bureau et s’effondre. Elle est épuisée nerveusement car elle doit sans arrêt réprimer les pleurs de son bébé qui dérangent la famille qui partage leur appartement. L’assistance qu’Helena et ses collègues proposent aux parents peut avoir un effet pervers. « Parfois, une maman vient me voir et me dit qu’elle se sent mal de ne pas pouvoir faire elle-même ce que nous faisons pour son enfant, que par ma faute elle a le sentiment d’être une mauvaise mère ! »
« On leur parle de Jésus aussi »
Et pour cause, de 8h
à 19h, la crèche prend bien soin de ses pensionnaires. A côté des repas et des « dodos », on organise des ateliers d’expression artistique et des moments de discussion collective pour les enfants ayant atteint leurs deux ans. Et les sujets ne manquent pas : « En fait, ce sont eux qui entament la conversation. Ils parlent beaucoup car ils découvrent tout : la pluie, la neige, les feuilles de papier. » Mais, comme Caritas n’est pas une association catholique pour rien, Helena confesse : « On leur parle de Jésus aussi. » Une mère passe dans le couloir. Helena sourit : « Olà Johanna. » Elle tient aux échanges avec les parents. « Selon moi, l’éducation des enfants ce n’est pas une pyramide, c’est un cercle qui relie la maison à la crèche. »
Quand elle parle de son métier et des enfants, elle alterne sourires et éclats de rire. Il n’y a pas une ombre à son tableau : elle travaille dans un quartier qui a toujours été le sien, et elle pratique depuis seize ans un métier dont elle veut faire sa vie. Et ce ne sont ni ses 800 euros mensuels (le salaire moyen au Portugal) ni les difficultés dues à la crise qui la feront changer d’avis. Pourtant, elle sont nombreuses : un afflux de parents qui travaillent mais doivent solliciter une place pour leurs enfants, un budget aussi maigre que Keith Richards pendant les années 1970, des bas salaires qui stagnent tandis que les prix augmentent. Pas de quoi décourager Helena : « Je suis une supportrice du Sporting. L’une des couleurs de l’équipe c’est le vert, couleur de l’espoir. Je prends exemple sur mon club!
»
Robin VERNER