Portrait d’un jeune militant portugais, enfant de la crise qui, depuis plus de 10 ans, a fait le choix du combat politique.
On dit de la jeunesse d’aujourd’hui qu’elle est désabusée et dépolitisée. Bruno Carvalho semble l’avoir oublié. Dans sa tenue passe-partout, parka légère et jean usé, ce jeune journaliste lisboète semble venu d’un autre temps. D’une époque où l’on était communiste, où l’on apprenait la vie dans les manifs et les meetings politiques. Ce fils d’une aide soignante et d’un cuisinier n’a pourtant pas grandi entre un marteau et une enclume. « J’ai convaincu mes parents de s’engager au Parti Communiste, comme dans le livre de Gorki ! », raconte-t-il en riant, avant d’avaler un café noir en une gorgée.
A une semaine de son 32e anniversaire, le jeune homme a déjà plus de dix années de militantisme derrière lui. C’est à 14 ans, en voyant les images de la prise d’otage à l’ambassade du Japon par le groupe péruvien Tupas Amaru, qu’il a une première révélation. « J’ai vu ces militants masqués qui luttaient. Ils avaient l’air de bonnes personnes. » De là naît une passion pour l’histoire de l’Amérique latine et le passage obligé vers la biographie de Che Guevara, qui le marque profondément. C’est décidé, cet enfant de la crise militera.
« Je me sentais faire partie de l’histoire de mon pays »
Quand d’autres passent le permis, dès leurs 18 bougies soufflées, lui s’engage au Parti Communiste Portugais. « Je me sentais faire partie de l’histoire de mon pays », explique de sa voix posée le jeune activiste. A défaut de vivre la Révolution des Œillets il côtoie ceux qui l’ont faite. Les vieux militants qui lui racontent les chars dans le Bairro Alto et dont il est fier de porter les idées.
Trop jeune pour vivre la dictature Salazar, sa révolution à lui c’est le combat contre l’austérité. Alors que son père a du émigrer en Suisse, faute de travail, lui a un boulot de journaliste « régulièrement au chômage ». Entre deux meetings, il voyage. De la Syrie à l’Afghanistan en passant par le Venezuela, il quitte quand il le peut Amadora, un quartier industriel dans la banlieue de Lisbonne où il habite. Un « ghetto, comme dans La haine de Kasowitz », précise-t-il en s’excusant pour son anglais, pourtant parfait.
Mais ce Lisboète de naissance milite d’abord pour son pays natal, ce « trou du cul de l’Europe », isolé de tous, mais qu’il aime profondément. Lors d’une action au ministère de la sécurité sociale, il est repéré par le mouvement « Que se lixe a troïka » (QSLT) qui cherche à élargir ses rangs quelques mois après la manifestation du 15 Septembre 2012 qu’il a lancé. Bruno ajoute donc une nouvelle carte à son arc tout en restant au Parti communiste. Mais c’est à titre individuel qu’il s’engage dans QSLT. Comme citoyen, comme chômeur, comme enfant de la crise. De ceux qu’on voit à la une des journaux, le regard dur et le poing levé.
Margaux STIVE