Les très jolis sacs de Reklusa sont faits en laine et cuir portugais. Leur particularité : ils sont cousus et assemblés par des prisonnières. Interview de Mafalda, l’une des deux fondatrices de la jeune association lisboète.
La petite boutique de Reklusa, dans le quartier d’Amoreiras (« les amoureux » en portugais) ressemble à toutes les autres boutiques branchées de Lisbonne. Dans la vitrine, des sacs de toutes les tailles et quelques vêtements en patchwork sont élégamment disposés pour attirer une clientèle assez aisée.
A l’intérieur, Mafalda découpe des morceaux de tissus qu’elle choisit sur des tas désordonnés dans une grande armoire qui ose se dévoiler à la vue des clients. La grande blonde raconte qu’elle et son amie Ines ont créé l’association pour aider les détenus portugais à se reconstruire à leur sortie de prison. « Ińes faisait des visites en prison depuis 10 ans pour rencontrer des détenues, se souvient Mafalda, un jour elle a pensé qu’elle pourrait les occuper pour leur permettre de sortir plus vite et facilement ». Aussitôt dit, aussitôt fait. En 2010, Ińes propose donc à Mafalda de se joindre à elle pour monter ce projet novateur au Portugal. « J’ai accepté très rapidement », raconte celle qui travaillait auparavant dans un magasin de robes de mariées.
« Offrir une seconde chance »
L’association s’est implantée dans plusieurs prisons comme celles de Tires, à Lisbonne ou Santa Cruz Do Bispo, vers Porto. La plupart des établissements pénitentiaires
ont bien accueilli le projet et mis en place des salles de couture. « Nous leur offrons en quelque sorte une seconde chance, explique Mafalda, on ne doit pas leur faire payer à vie leur passage en prison », poursuit-elle. Toutefois, l’association qui promet une aide à la réinsertion, ne participe pas au financement de projets montés par des anciennes détenues libérées. « Une ancienne prisonnière vénézuélienne est repartie à Caracas. Elle a ouvert une petite boutique de sacs mais nous n’avons pas du tout soutenu son projet, elle s’en est très bien sortie sans notre aide ! », s’exclame la quarantenaire. Selon elle, les prisonnières étrangères sont beaucoup plus enthousiastes que les portugaises à l’idée du projet. C’est un constat qu’elle a du mal à s’expliquer.
Dans chaque prison, dix femmes réalisent en moyenne quatre sacs par jour. Elles sont souvent choisies sur leurs compétences en couture. Une couturière vient une première fois pour leur apprendre les modèles, puis elles se relaient pour former les autres. La matonne est un pont entre l’association et les prisonnières. « C’est elle qui les présélectionne pour travailler pour nous ». Les détenues sont aussi cueillies selon leur enthousiasme à l’idée du projet. « Leur salaire ne leur est pas distribué directement, tout doit passer par l’administration de la prison », poursuit Mafalda. La rétribution pour chaque sac correspond à peu près à la moitié de son prix. Le reste revient à l’association qui se finance par ce biais et par les donations.
Local et écologique
Tous les sacs son fabriqués en cuir et en « burel », une laine que l’on trouve à Serra Da Estrella, une montagne du centre du Portugal. Le deuxième objectif de Reklusa est en effet la fabrication de sacs en matériaux recyclés (comme du tissu anciennement utilisé pour des sièges de voitures) et surtout portugais. Les effets de cette opération sont encore difficiles à mesurer puisque l’association n’existe que depuis trois
ans. « Peu de prisonnières ont été libérées depuis le début du projet », se justifie Mafalda. Mais elle est pleine d’entrain : une des détenues va bientôt sortir de prison. Si tout se passe bien, elle sera employée chez Reklusa.
Alexia ELIZABETH