Personnalité du Tout-Paris, cet architecte français installé au Portugal fait se rencontrer la haute société lisboète depuis treize ans et étoffe son réseau « illimité ».
« C’est horrible ici. » Voilà comment Jacques Bretagnolle décrit son
appartement, pourtant richement décoré et situé à proximité de l’ambassade de France à Lisbonne. Constat étonnant venant de cet architecte installé depuis treize ans au Portugal où il reçoit chez lui les plus grandes fortunes, les personnalités artistiques et politiques qui comptent dans le pays. Portrait d’un mondain haut en couleur.
Jacques Bretagnolle utilise peu les noms de famille de ses fréquentations. Pour Bernadette et Jacques, comprenez le couple Chirac, des proches de longue date qu’il a rencontrés dans sa Corrèze natale. Lorsqu’il raconte une soirée avec ses meilleurs amis, Yves et Pierre, il s’agit bien sûr du couple Saint-Laurent / Bergé. Quand il se fait intarissable en anecdotes croustillantes sur Liliane et André, ce sont les Bettencourt. Évidemment.
Une étincelle de malice éclaire ses yeux bleus délavés lorsqu’il sort une grivoiserie. Qui a couché avec qui, qui a trompé qui, qui s’envoie en l’air sans jamais prendre le temps de redescendre… Jacques Bretagnolle a une connaissance impressionnante de ces histoires qui se confient en petit comité lors de soirées bien arrosées. L’homme de 67 ans porte les cernes lourdes de ceux qui ont fait la fête, beaucoup, longtemps et sans réelle modération.
Le Mirano à Bruxelles,
les Bains Douches à Paris, les boîtes de Milan et d’ailleurs, c’est peu dire qu’il a égrené les nuits mouvementées. « C’était incroyable, cette période. J’ai vu Régine porter des lignes de coke sur un plateau d’argent. Toutes les drogues possibles et imaginables circulaient. » Lui explique n’avoir jamais été un passionné des stupéfiants, « c’était plutôt le whisky à l’époque ». La vapeur des cigarettes consumées sans relâche par cet homme au rire éraillé envahit la pièce et aide à visualiser ces moments de débauche.
« Un carnet d’adresse effarant »
Mozart, l’un de ses deux chiens, se prélasse paresseusement sur un fauteuil dans l’annexe du salon. Qu’aperçoit-il à travers ses yeux mi-clos ? Les tableaux contemporains de deux mètres de haut ? Les sculptures africaines disposées avec goût sur les étagères ? Les moulures au plafond de cet immeuble classé ? Peut-être écoute-t-il simplement son maître qui raconte l’un de ses derniers faits d’arme.
17 juin 2011, le Corrézien a ouvert gracieusement son « carnet d’adresse effarant » à une association francophone de
Lisbonne. Il a réussi à inviter la crème de la crème : vingt-cinq couples, parmi lesquels les plus gros promoteurs immobiliers du Portugal, des personnalités de la télévision et des propriétaires d’hôtels de luxe. « Il a fallu bien travailler pour réunir toute cette brochette sur la photo. Ça aurait coûté au moins 10 000 € si ça avait été organisé
par une agence de communication », se félicite-t-il.
Que cherche ce fils de bonne famille qui dit tutoyer « l’aristocratie » de France et du Portugal ? « Je n’ai jamais rien demandé à Jacques (Chirac). Mes relations ne m’ont rien rapporté, si ce n’est beaucoup de jalousie et d’inimitiés », relate-t-il. Selon lui, certains essayent de l’instrumentaliser, « pour que je les mette en relation avec Pierre Cardin, Pierre Bergé ou Karl Lagerfeld, ce genre de personnes ». Au diable ceux qui estiment qu’il confond parfois relation avec affabulation. Est-ce pour la fortune qu’il côtoie tout ce beau monde ? « Bof, gagner de l’argent… », minimise celui qui n’en a sûrement jamais manqué, dans sa famille issue de la noblesse corrézienne, puis aux postes de directeur technique à l’Opéra Bastille et de la Caisse des Dépôts et Consignations, et enfin comme architecte de haut standing à Lisbonne. « Non, ce que j’aime énormément c’est faire se rencontrer les gens, inviter à dîner chez moi des personnalités différentes, comme un ambassadeur et un jeune artiste en même temps ». Celui qui a été sollicité pour créer une conciergerie de luxe à Lisbonne ne réfute pas l’étiquette de mondain : « Je ne trouve pas ça péjoratif, pour moi cela signifie savoir recevoir, dresser une jolie table. Ça n’a rien à voir avec le prix que l’on y met. »
À choisir, il ne conserverait que la « reconnaissance » et se retrouve dans la devise des Noailles : « Plus d’honneur que d’honneurs. » Assez simplement, Jacques Bretagnolle souhaite « laisser quelques beaux souvenirs aux gens que j’ai aimé » et résume sa vie à « de l’amour, des joies, quelques vrais amis et deux passions amoureuses; en dehors d’une
quantité impressionnante de connaissances ». Pour la suite, il annonce sans sourciller ne désirer « que du calme et de la tranquillité ».
Il reste encore à ce passionné de littérature, qui s’identifie à Swann, le personnage dandy de Proust, à écrire un livre. Cela parlera principalement « des gens hauts en couleur que j’ai rencontrés dans ma vie ». La peur de la page blanche ne risque pas de le hanter bien longtemps.
Maxime ROUSSEAU