Alain Mingam était un jeune photoreporter pour l’agence SIPA quand il a vécu, en 1974, la Révolution des Œillets. Il garde le souvenir ému d’un pays en liesse où l’armée fit corps avec le peuple pour mettre fin à près d’un demi-siècle de dictature. Il raconte.
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Alain Mingam garde un souvenir impérissable de la révolution des
oeillets. (Jérémie Lamothe / CFJ)
Du Liban à l’Iran en passant par l’Afghanistan et le Mozambique, Alain Mingam a couvert de multiples conflits et révoltes au cours de sa carrière. Lauréat du World Press Photo, en 1981, il est aujourd’hui vice-président de « Reporters sans frontières » et demeure particulièrement attaché à la révolution des œillets.
« Alain Mingam, quelle était l’atmosphère à Lisbonne en cette fin avril 1974 ?
C’était extraordinaire. Je suis arrivé à Lisbonne le 26 avril, juste après le début du soulèvement. J’ai été marqué par le vent de liberté totale que j’ai senti en arrivant. Il y avait les chars mais pas de violence. Les tanks étaient stationnés à l’aéroport et la population était heureuse. C’était un symbole extraordinaire. Ce qui dominait, c’était la joie, la gaieté, la folie. Partout, on discutait, dans les cafés, dans les jardins. Ils appelaient cela des « palavras »
et ça se terminait souvent autour d’un verre d’« aguardiente », l’eau-de-vie locale. Toutes les générations étaient réunies. Les militaires, qui étaient beaux gosses, avaient du succès auprès des femmes. C’est aussi à ce moment que des revendications féministes se sont fait entendre au Portugal.
La révolution part d’un coup d’Etat orchestré par des officiers de l’armée portugaise, organisés au sein du Mouvement des Forces Armées (MFA). Le peuple portugais a-t-il adhéré au soulèvement rapidement ?
Dès le 24 avril, il y a eu une formidable adhésion populaire. Les Portugais se libéraient des chaînes d’une dictature. Ils exprimaient leur lassitude face aux guerres coloniales où de nombreux jeunes étaient mobilisés. Avec ce soulèvement naissait l’espoir de mettre fin à des guerres qui coûtaient cher au peuple. Les militaires en étaient issus. Pour la révolution, ils se sont substitués au peuple dont ils étaient l’expression très bien organisée. C’est d’ailleurs tout le paradoxe de cet événement. C’est une révolte dont l’efficacité tient à son organisation et sa discipline militaire.
« L’agence SIPA n’ayant pas beaucoup de moyens, je suis parti au Portugal avec l’argent de la machine à café ! »
Comment était perçue cette révolte dans les médias en France et dans le monde ?
C’était la préoccupation première de toute la presse internationale. Pour nous
en France, la révolution des œillets c’était « la révolution au bout de l’autoroute », pour reprendre l’expression d’André Pautard de l’Express. C’était accessible en quelques heures d’avion ou de train. L’agence SIPA en était à ses débuts et n’avait pas beaucoup de moyens ; je suis parti au Portugal avec l’argent de la machine à café ! La révolution des œillets suscitait beaucoup d’intérêt en France. Et puis, l’œillet comme symbole, ça faisait tâche d’encre. La presse publiait énormément sur ce sujet. Avec mes photos, j’ai dû
faire neuf couvertures : The Economist, le Nouvel Observateur, l’Humanité Dimanche, Valeurs Actuelles… Il y avait une quantité de travail incroyable. Nous étions en commande permanente. La concurrence était vive. On avait la pression de la presse européenne et américaine. Les rédactions nous appelaient directement. J’avais 22 ans, cela faisait un an que j’étais photoreporter. La révolution des œillets a été une autoroute professionnelle.
C’est-à-dire ?
Cette révolution avait une force d’aimantation pour les jeunes reporters. Une très grande partie des journalistes présents au Portugal étaient jeunes. Pour nous, c’était incroyable de pouvoir assister à la fin d’une dictature. Chaque révolution ou événement majeur ont permis à de jeunes journalistes et photographes de se faire reconnaître professionnellement. Pour moi ce fut la révolution portugaise. Elle a permis à beaucoup de jeunes professionnels de révéler leur talent potentiel. Une fois que tu avais fait tes preuves, les commandes ne cessaient d’arriver.
« Un laboratoire professionnel pour les jeunes reporters sur les questions de déontologie, de rigueur »
Quelles étaient les conditions de travail sur place ? Vous sentiez-vous en danger ?
Non, nous avons été bien accueillis. Le MFA avaient besoin de la presse internationale pour son image. Nous étions des témoins privilégiés. On passait la journée à marcher. Il y avait tellement de manifestations. Cet événement fut un véritable laboratoire professionnel
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pour de nombreux jeunes reporters, photographes ou caméramans sur les questions de déontologie, de rigueur professionnelle. Au-delà d’une certaine sympathie que nous pouvions avoir pour le mouvement, nous nous efforcions d’être exigeants, de garder du recul. Il y avait plein de manifestations et de micro-événements en permanence. Il fallait rester rigoureux pour discerner les choses et ne pas grossir certains événement banals.
Aujourd’hui quel souvenir gardez-vous de la révolution des œillets ?
Quarante ans après, je ne peux échapper à l’émotion que me procure le souvenir de ce soulèvement. Le plus extraordinaire c’était cette volonté des officiers portugais de donner le pouvoir au peuple. Ce fut un laboratoire d’expérimentation pour révolutionnaires. Les militaires ont pris le pouvoir, mais sans le garder et ont permis la naissance d’une démocratie au Portugal. Elle a entraîné de profonds changements de société, notamment sur la condition des femmes. C’était une révolution politique et idéologique, inspirée par une culture de gauche formée dans la clandestinité pendant la dictature, et rendue possible par l’intelligence des militaires. »
Propos recueillis par Vincent PLEVEN