Le rendez-vous était pris dans les locaux de l’Institut français, à Lisbonne. Artur Pinto arrive, souriant, serein. Durant plus de deux heures et dans un français impeccable, il raconte ce qu’il a vécu dans les années cialis 1960, de ses années de militantisme au parti communiste jusqu’à ses huit mois passés dans les geôles de Salazar. Sans éviter aucun sujet.
• LA VIE SOUS LE RÉGIME DICTATORIAL DE SALAZAR
« Une ambiance de peur, de méfiance permanente »
« Dans les années 1960, le Portugal était un pays misérable. Les gens n’avaient pas d’argent, pas d’éducation. Près d’un Portugais sur deux ne savait ni lire ni écrire. Il n’y avait pas cette tradition d’aller à l’école. Toutes les dictatures verrouillent l’instruction : lorsque l’on va à l’école, on développe une conscience politique. C’est ce que le gouvernement de l’époque voulait éviter. »
« Le régime avait, en plus, instauré une ambiance de peur, de méfiance permanente. Les informateurs étaient partout ! Ils pouvaient être votre voisin, votre meilleur ami, un membre de votre famille… Dans les cafés, nous cialis viagra étions obligés de parler tout bas de peur d’être entendus. Nous en devenions un peu paranoïaques. J’avais choisi de faire la faculté de droit de Lisbonne pour devenir avocat et dénoncer cette dictature. Malheureusement, mon arrestation m’a empêché de finir mes études. »
• SON ACTIVITÉ AU PARTI COMMUNISTE
« viagra online À mort Salazar ! »
« Sous la dictature, le parti communiste (PC) était le seul parti organisé. Si l’on voulait lutter contre le régime, il fallait devenir membre du PC. Pour y entrer, il fallait être repéré et y être invité. C’était très risqué, nous pouvions être trahis à tout moment. »
« Pour ma part, j’ai été recruté en 1962, repéré à l’occasion d’un mouvement étudiant de trois mois contre le régime, certains avaient entamé une grève de la faim. Cette contestation s’est étendue jusqu’aux Universités de Porto et de Coimbra. À la fin, la police a arrêté entre 1 000 et 1 500 étudiants, ils avaient loué des bus à l’entreprise des transports lisboètes pour tous les emmener ! Cette répression à profondément marqué les esprits au Portugal et à l’étranger. »
« Au PC, nous avions un véritable rôle politique. Même si nous étions des militants clandestins, nous menions une vie normale. Le parti était divisé en cellules, celle des étudiants en droit, en médecine, en philosophie etc. Nous ne communiquions pas avec eux, nous ne les connaissions même pas. Nous étions organisés en petits groupes de réflexion et souvent nous faisions des « agitprop » : agitation propagande. Nous distribuions des tracts, la nuit nous inscrivions au nitrate d’argent des « À mort Salazar ! » sur les murs. Le Parti nous interdisait cependant toute action terroriste. »
• SON ARRESTATION
« Il m’a tout de même balancé… »
« Au parti communiste, il y avait une règle : tous ceux qui étaient attrapés devaient tenir au moins trois ou quatre jours sans parler. Le temps pour les autres de tadalafil s’organiser. Mais lorsque le fonctionnaire du Parti qui dirigeait ma cellule s’est fait prendre, il a tout révélé en un jour, toute l’organisation. Dire que je l’avais logé chez mes parents pour le protéger quelques mois auparavant… Il m’a tout de même balancé… Le 21 janvier 1965, j’ai été arrêté devant ma faculté, avec 33 de mes camarades. »
• SES CONDITIONS DE DÉTENTION
« Je ne pourrais pas dormir avant d’avoir parlé »
«
Durant les deux premiers mois, j’étais détenu à la prison d’Aljube, à Lisbonne. Mon lit était en bois, mon matelas en paille, http://levitradosage-uses.com/ je n’avais pas de drap et nous étions quatorze à nous partager une seule douche. Même la police politique, la PIDE, a reconnu, par la suite, que les conditions d’hygiène y étaient déplorables. »
« Je suis resté à l’isolement dans une cellule d’à peine 2m² pendant deux mois, ça vous brise l’esprit. Je n’avais plus aucune conscience du temps, de l’heure. Après, viagra j’ai été transféré au siège de la PIDE, dans le centre-ville. Et là, la torture psychologique a commencé. C’est ce que leur a appris la CIA après la Seconde Guerre Mondiale. C’est pire que la torture physique et ça ne tue pas. »
« Dès le premier jour, ils m’ont prévenu : je ne pourrai pas dormir avant d’avoir parlé. A 23 ans, on peut tenir une ou deux nuits sans sommeil. Après, ça commence à être dur. Lorsque je commençais à m’endormir, un agent me secouait. Ce n’est pas mon cas mais certains de mes camarades ont, au bout de quelques jours, commencé à avoir des visions, des hallucinations. Les nœuds naturellement présents dans le parquet étaient devenus des cafards, des pièces viagra online de monnaie… A ce moment-là, les agents donnaient le signal : le prisonnier était mûr pour un énième interrogatoire. Moi, j’ai passé une semaine sans dormir. Le record est détenu par un de mes amis, il a résisté deux fois deux semaines. J’ai fini par craquer, bien-sûr. Ils m’ont montré leurs informations : ils en savaient plus que moi. Je n’ai eu qu’à confirmer. »
« Après avoir signé une déclaration, ils m’ont transféré à la prison de Caxias, dans la banlieue de Lisbonne. À l’occasion de la visite d’une délégation de l’ONG Amnesty International, l’aile nord de la prison avait été rénovée, elle abritait ma cellule. À coté d’Aljube, c’était un hôtel cinq étoiles. »
• SON PROCÈS
« Activités contre la sécurité de l’État »
« Je suis resté en prison jusqu’à mon procès, qui s’est shelf life levitra tenu autour du 13 août 1965, je ne sais plus exactement. Ce procès était une mascarade. Les juges, nommés directement par le cialis viagra Gouvernement, n’étaient présents que pour appliquer les ordres de la
Police Politique. Je suis passé devant un tribunal, crée spécifiquement pour juger des cas politiques. Nous avions des avocats, mais ils ne pouvaient pas faire grand chose à part dénoncer la torture et les conditions d’hygiène déplorables. Mais à chaque fois qu’ils venaient sur le sujet, les juges les rabrouaient. J’ai été condamné à seize mois de prison avec sursis pour «activités contre la sécurité de l’État». J’ai perdu mes « droits civiques » pendant cinq ans. Cela dit, dans une dictature, les
droits civiques… »
Propos recueillis par Agathe MERCANTE et Jérémie LAMOTHE