Situé à une trentaine de kilomètres de Lisbonne, le centre de formation du Sporting Portugal est l’un des plus prestigieux du monde. Comment ce club, aux moyens limités, a-t-il pu former Paulo Futre, Luis Figo ou encore Cristiano Ronaldo ? Reportage à Alcochete, à l’Academia, et rencontre avec Aurélio Pereira, figure de proue de la formation portugaise.
Situé à une trentaine de kilomètres de Lisbonne, le centre de formation du Sporting Portugal est l’un des plus prestigieux du monde. Comment ce club, aux moyens limités, a-t-il pu former Paulo Futre, Luis Figo ou encore Cristiano Ronaldo ? Reportage à Alcochete, à l’Academia, et rencontre avec Aurélio Pereira, figure de proue de la formation portugaise.
Arriver à trouver l’Académie du Sporting est une récompense. Construite dans l’élan de l’Euro 2004, l’Académie est perdue dans la lande portugaise. Des chênes-liège, des chevaux et des vaches peuplent les prés autour du centre de formation.Une fois arrivés, c’est la sobriété qui choque. Comment un club qui a formé deux ballons d’or en 20 ans peut aussi bien former ici ?
Une imposante statue de lion se dresse devant le bâtiment central de l’Académie. L’animal, symbole du club, rugit comme s’il voulait protéger ses occupants. Et ils sont nombreux : joueurs de l’équipe professionnelle et jeunes en formation se partagent ce bâtiment de deux étages à taille humaine.
Dans la partie formaçao (formation), préceptes et photographies de glorieux anciens ornent les murs. «La vie n’est pas une question de chance, mais de travail et d’opportunités», peut-on lire dans la cantine. Dans la salle de jeu, c’est la ligne de conduite des pensionnaires des lieux qui est mise en avant devant la table de ping-pong : « un joueur du Sporting n’a pas besoin de règles, il a des valeurs». Les jeunes espoirs, venant du monde entier, logent dans l’une des 45 petites chambres double du centre, au premier étage.
Le passage à la partie profissional (professionnelle) s’effectue en traversant une paisible cour intérieure, peuplée de chênes-liège. Là encore, on insiste sur le poids du passé :
à l’entrée du département professionnel trônent des affiches de Figo, Nani et bien sûr Ronaldo. D’ailleurs, le double Ballon d’Or (2008-2013) revient ici souvent, l’occasion pour lui de distiller de précieux conseils aux jeunes espoirs de l’Academia. «Il a conservé des liens très forts avec nous et, même s’il est devenu une star mondiale, il est resté un chouette garçon », confie une responsable du centre. La salle commune de l’équipe première est le centre névralgique du
département professionnel. Les joueurs s’y rassemblent les soirs précédant toutes leurs rencontres à domicile. Dans cette pièce où sont exposés les trophées du club, les récompenses adressées à son centre de formation ou encore des dizaines de photos d’équipes depuis l’année 1940, l’histoire du Sporting prend tout son sens. Un lieu parfait pour se mettre en condition avant un match, selon l’encadrement. Les joueurs peuvent profiter de la bibliothèque dans de confortables fauteuils, jouer au billard ou aux échecs.
À l’extérieur de cette structure familiale, joueurs pro et espoirs se partagent pas moins de huit terrains d’entraînement. Des infrastructures performantes complétées par un terrain couvert et le stade Aurélio Pereira.
William Carvalho, la nouvelle pépite du club
Principal atout du Sporting Club Portugal, et ce depuis plusieurs décennies, Aurélio Pereira a un regard dur mais bienveillant. A son palmarès de recruteur, Figo, Nani, Moutinho mais aussi Cristiano Ronaldo. Son bureau, loin du faste de certains managers en Europe, est à son image : calme, organisé. Au mur, une photo jaunie de Luis Figo adolescent, une autre des moins de 18 ans du club. Aurélio Pereira n’est pas nostalgique, mais fier. « J’ai reçu des offres d’autres clubs. Ils ont fini par abandonner, tant ils connaissent l’amour que j’ai pour le Sporting ! ». Un attachement à son club qui l’a transformé en « papa poule » au fil des années. Par son biais, le club veille au bien-être des joueurs pour exploiter leur potentiel au maximum. « On ne pressera jamais un joueur à être performant » explique le vieil homme. C’est le mantra du club : tous les joueurs ont des rythmes de progression différents et il faut absolument respecter ce principe.
C’est pour ça que William Carvalho, star du Sporting depuis septembre dernier, a tout son temps pour gagner en maturité. Roi des combats du milieu de terrain, William aide sa défense lors des temps faibles de son équipe, tout en contribuant au jeu offensif en régalant ses attaquants grâce à une vision du jeu hors-norme pour un joueur de son âge – 21 ans – à ce poste. Une pépite que Manchester City ou le Barca rêvent d’attirer au plus vite.
« Chaque chose en son temps », tempère Aurélio Pereira, « William est un très bon joueur, probablement le futur numéro 6 de la Selecçao » (l’équipe nationale portugaise). « Mais on n’accélèrera rien sous prétexte qu’un grand club le veut ». La philosophie du Sporting vaut aussi pour la communication des joueurs. Ils suivent une formation de media training dès leur arrivée en équipe première, et chacune de leurs interventions dans la presse est pesée, calculée.
Une responsable du club admet « qu’au Portugal, la presse a énormément d’influence sur les performances des joueurs », ce qui explique le verrouillage systématique de la communication… Après leur dernière victoire à domicile contre Olhanense, seul Heldon, la nouvelle flèche Cap-Verdienne du Sporting, est venue s’exprimer à la presse. Deux questions, deux réponses, et le voilà reparti au vestiaire !
Le club est aussi très attentif aux résultats scolaires des jeunes du centre de formation. Sans de bonnes notes et un comportement irréprochables, pas d’entraînement, ni de match.
Un système de couveuse qui marche. Dans l’effectif actuel de la Selecçao, ils sont 15 joueurs à avoir été formés à l’Académie…
Antoine MAGNAN et Iban RAÏS