Construit en 1902 pour relier deux quartiers de Lisbonne, l’ascenseur Santa Justa attire des centaines de touristes qui, chaque jour, se pressent à son sommet, à quarante-cinq mètres au dessus de la ville basse.
Cent-douze ans et toujours debout. Depuis 1902, l’Elevador Santa Justa offre sa silhouette longiligne au regard des Lisboètes. Planté au milieu d’une ruelle étroite entre deux rangées d’immeubles, l’unique ascenseur vertical à ciel ouvert de Lisbonne toise la ville basse du haut de ses quarante-cinq mètres. La structure en fer forgé, bardée de rivets, rappellerait presque celle de la Tour Eiffel, érigée treize ans avant lui. Et pour cause. Son créateur, le franco-portugais Raoul Mesnier de Ponsard, ne serait autre que l’un des disciples du père du plus célèbre monument français.
Inauguré au crépuscule de la monarchie portugaise, l’Elevador Santa Justa avait pour mission de relier les quartiers de la Baixa Pombalina, la partie basse de la ville, et le Bairro Alto, édifié au sommet d’une colline. Une mission qu’il remplit toujours aujourd’hui. L’édifice n’a que peu changé. Quelques tags tracés à la peinture sont venus couvrir ses flancs malgré le filet de sécurité installé tout autour de la structure, tandis qu’un pilier de béton a été érigé pour sécuriser la passerelle reliant le haut de la tour au Bairro Alto.
Exploité par la société de transport lisboète Carris, qui gère également les lignes de bus et de tramways de la ville, l’ascenseur centenaire propose ses deux cabines habillées de bois aux dizaines de personnes qui se pressent chaque jours devant ses grilles. Mais les locaux se font de plus en plus rares. « Les résidents viennent principalement en début de journée », lance Anna, détachée par la société de tourisme Yellow Bus auprès de la Carris.
1,40 € pour les locaux, 5 € pour les touristes
Car c’est bien de tourisme qu’il s’agit. L’Elevador Santa Justa est devenu au fil du temps l’un des monuments les plus visités de la ville. Dès l’entrée, les affiches vantant les mérites des bus touristiques lisboètes font face aux grilles rouillées des cabines d’ascenseur. Lorsque celles-ci s’ouvrent
enfin, c’est un spectacle étrange qui s’offre à la vue des visiteurs. Une employée de la Carris se tient à côté d’une borne magnétique en tous points semblable à celles que l’on peut trouver dans le métro. Pour les détenteurs d’une carte de transport, les dix secondes d’ascension coûteront 1,40 €. Pour les autres, la montée sera facturée près de quatre fois plus cher. À cinq euros par tête, le prix a de quoi en décourager certains.
Pourtant, le succès est au rendez-vous. « En haute saison, on embarque vingt personne à chaque rotation, toutes les dix minutes, et les cabines sont pleines toutes la journée », poursuit Anna. Arrivé en haut, les voix des guides fusent. Anglais, espagnol, portugais… Sur le belvédère, toutes les langues européennes sont utilisées. Ici, un guide présente à son groupe l’histoire du monument, « symbole de la modernité de la ville », au début du XXe siècle. Là, un autre, lunette de soleil sur le nez et parapluie à la main, montre du doigt la silhouette imposante du château Saint-Georges, fièrement campé sur la colline d’en face. Après dix minutes d’une présentation suivie dans un silence presque religieux, rompu périodiquement par les
déclencheurs des appareils photo, les différents groupes se dirigent lentement vers la passerelle conduisant au Bairro Alto. Quelques secondes à peine avant qu’un nouvel arrivage ne sorte des cabines de l’ascenseur.
Florian MAUSSION