Créé en 2010 à Lisbonne, le collectif Transformers grandit au même rythme que les enfants qu’il encadre. Du théâtre à la cuisine, en passant par la photo ou le hip hop, les mentors se servent de leurs « super pouvoirs » au quotidien pour donner un sens au mot solidarité.
«Um, dois, três, quatro ! » Luis donne le rythme. Les sept apprentis danseurs suivent les pas sans complexe, sans trembler. Dans cette salle de danse atypique, pas de miroir XXL pour s’admirer, ni de barre murale pour s’échauffer. Seulement un tableau noir à peine effacé. Le lieu est démasqué. Une fois par semaine, l’école de Camarate, à 10 km au nord de Lisbonne, se transforme en studio de danse pour une heure de newstyle hip hop. Avec ses airs de Justin Bieber, version brun, et son t-shirt « We love 2 dance », Luis mène le cours avec sérieux et générosité. « Je leur enseigne des pas chaque semaine et je sais qu’ils s’entraînent même chez eux, raconte-t-il. Je leur apprends quelque chose qui les sort un peu de leur quotidien scolaire, des maths et du portugais. »
La philosophie des Transformers est simple : chaque personne possède un talent, un pouvoir qu’il doit exploiter pour avoir un impact positif dans la société. Une ambition quasi-utopique en ces temps d’austérité. Et pourtant, cet élan de solidarité ne faiblit pas. Après Lisbonne, le collectif a étendu ses activités à Porto et Coimbra et commence à être demandé par les écoles, les centres éducatifs et les foyers pour jeunes. « Nous n’avons jamais pensé nos actions en fonction de la crise mais c’est vrai que les institutions des quartiers défavorisés font de plus en plus appel à nous, admet Miguel, l’un des coordinateur du projet. Mais il ne faut pas croire que nous n’agissons que dans les quartiers pauvres ! Même les enfants privilégiés n’ont pas toujours l’occasion de faire ce qu’ils aiment dans leur vie. »
Des supers pouvoirs illimités
À 27 ans, Luis a compris le sens du mot partage. Il a rejoint le collectif des Transformers dès le début car il ressentait le besoin d’être utile à la société. Passionné de danse depuis une dizaine d’années, il n’a pas hésité à proposer son temps libre pour mettre son talent au service des enfants. Son super pouvoir ? Le hip hop. « Je fais parti d’un groupe de hip hop, je donne des cours mais ça, c’est mon boulot. Ici, je suis bénévole et c’est un réel plaisir car ils ont besoin d’apprendre quelque chose qui les rend plus fort, qui les aide à affronter la vraie vie », s’enthousiasme Luis. Ses élèves s’appliquent. La musique de Bruno Mars tourne en boucle jusqu’à ce qu’ils maîtrisent parfaitement la chorégraphie. Les Converses ou les Nike air crissent sur le sol et rate parfois l’enchaînement mais la bonne humeur du groupe ne fait aucun faux
pas.
Leur engagement auprès des jeunes est sans arrière-pensée, sauf peut-être de leur transmettre cette envie de s’investir. Au Portugal, seulement 10 % des jeunes s’impliquent concrètement dans la communauté. C’est deux fois moins que la moyenne européenne. « Les mentors sont tous bénévoles et consacrent beaucoup de temps à l’association puisque c’est chaque semaine, d’octobre à juin, en plus de la formation qu’on leur organise une fois par an », explique Miguel avec sérieux.
L’implication des mentors est récompensée par celle des enfants. Tamara, 14 ans, fait 30 km chaque semaine pour suivre le cours de hip hop car elle n’est pas scolarisée dans ce quartier. Quant à Diana, la danse lui permet de s’extérioriser. « Je suis très timide à l’école et le cours de hip hop est le moyen que j’ai trouvé pour montrer mes sentiments. J’aimerai bien devenir Transformers plus tard. »
À 17h, les dernières notes de musique se taisent. Les tables en bois et les chaises en fer sont remises à leur place. Le studio de danse redevient la salle de classe habituelle et les danseurs, des collégiens lambda. Mais Luis est confiant : la nouvelle génération de mentors se forge petit à petit pour assurer le futur du collectif.
Vanina DELMAS