« Il m’a fallu 37 ans pour écrire ce livre. En fait, j’ai décidé de devenir écrivain pour faire ce livre. » Attablée au café du centre culturel Gulbenkian, à Lisbonne, Dulce Maria Cardoso évoque la genèse de son dernier roman, Le retour, histoire d’un adolescent portugais chassé d’Angola par la guerre d’indépendance. Il vient d’être traduit en français.

L’écrivain Dulce Maria Cardoso devant librairie du centre culturel
Gulbenkian, à Lisbonne. (Margaux Leridon/ CFJ)
En 1975, la guerre civile fait rage dans les colonies portugaises. Chassé de son Angola natal pour des raisons qui lui échappent, Rui, quinze ans, doit regagner la métropole. Une histoire qui rappelle forcément celle de Dulce Maria Cardoso, qui a du elle-même quitter Isoniazid l’Angola en 1975, à onze ans. « Tout ce
que l’on écrit est plus ou moins autobiographique,
« Le meilleur mensonge possible pour dire la vérité »
La voix de Dulce Maria est douce, lointaine, comme si elle arrivait en écho. En parlant, elle tripote son téléphone : elle est angoissée car son chien est malade, et un souci n’arrivant jamais seul, son portable est cassé. Elle en utilise un vieux, mais ne retrouve pas les numéros dont generic accutane elle a besoin. Lorsque l’on évoque le choix d’un adolescent pour personnage principal, ses grands yeux bleus deviennent rieurs : « Je voulais avant tout m’amuser. Et c’est amusant d’être un garçon, parce que, bien sûr, quand cela m’est arrivé à moi, j’étais une fille. Mais c’était aussi un challenge. Ecrire, c’est se mettre dans la peau d’autres personnes. Et être un jeune garçon, c’était un vrai défi. »
Au-delà de l’exercice littéraire, le choix d’un personnage principal masculin avait également une dimension sociologique : « À l’époque, en 1975, les garçons avaient un rôle de chef de famille », explique l’écrivain. Rui rentre en effet au Portugal sans son père, arrêté par les indépendantistes angolais juste avant son départ. L’adolescent se sent donc responsable de sa mère et de sa sœur, auprès de qui il pense devoir remplacer son père. Le récit devient ainsi doublement initiatique : en quittant l’Angola, Rui perd sa terre, mais également son enfance. C’est d’ailleurs un livre précisément sur la perte, confirme l’écrivain : « Il m’a fallu trente-sept ans pour écrire ce livre, j’ai décidé de devenir écrivain pour ce livre. Mais je savais que cela ne pourrait pas être simplement mon histoire. Il faut inventer le meilleur des mensonges pour dire la vérité. Sinon, la plupart du temps on échoue. Je http://cymbaltaonline-pharmacy.com/ ne savais pas comment inventer le meilleur mensonge pour raconter ce que j’avais vécu. J’ai écrit trois romans et beaucoup de nouvelles et j’ai fini par comprendre que le livre devait parler de perte, de deuil. »
« La fête était finie »
Dulce Maria agite ses mains lorsqu’elle parle. Elle porte de minuscules bagues à chaque doigt, certaines enfoncées seulement jusqu’à la deuxième phalange. Des bagues d’enfant, qui, à l’instar des barrettes, tranchent avec la sagesse et le sérieux de son discours.
Elle évoque le difficile retour des rapatriés d’Angola, arrivés au Portugal sans ressource.
Les métropolitains les appelle les «tinhas», les « j’avais » en portugais, parce qu’ils ressassent en permanence ce qu’ils avaient laissé en Afrique : « Les gens avaient tout perdu en Angola ou au Mozambique. Tout ce qui leur restait pour se consoler, c’était d’inventer des histoires. Alors ils passaient leur temps à dire : “j’avais ci, j’avais ça…” » En 1975, les « retornados », les rapatriés, arrivent dans un pays en crise. « Pour nous, la révolution ne voulait pas dire grand’ chose. Quand
nous sommes arrivés en 1975, elle avait éclatée depuis déjà un an. Nous n’avons pas eu droit à la liesse, mais seulement aux grèves. La fête était finie. Nous ne pouvions pas comprendre, même si évidemment la révolution devait être faite. »
L’écrivain n’épargne ni les rapatriés, ni les métropolitains, dont l’accueil glacial a durement touché les premiers. « Ici aussi, les gens n’avaient pas de travail. Ils avaient peur. Nous ne nous ressemblions pas, nous parlions différemment, nos vêtements n’étaient pas les mêmes… Il était très facile de nous identifier et de faire de nous un groupe distinct. Et quand on commence à dire « nous » et « eux », ce n’est jamais bon. Les gens qui vivaient ici ont commencé à dire « eux » en parlant de nous et nous avons commencé à dire « eux » à leur sujet. »
« Comme si vous, en France, vous n’aviez jamais eu ce genre de problèmes »
Pourtant, les « retornados » n’ont jamais constitué au Portugal une vraie communauté, comme cela a pu être le cas pour les hot flashes with zoloft pieds noirs en France. « Nous avons choisi d’appartenir au Portugal, explique Dulce Maria. Ce n’était pas rationnel, nous ne nous sommes pas réunis en disant : “OK, essayons d’appartenir à ce pays maintenant”, mais
nous avons compris très tôt que nous n’avions pas d’échappatoire. En outre, à cause de la France et des pieds noirs, les autorités ont préféré nous disperser dans l’ensemble du pays, sans nous donner la possibilité de nous rassembler en communauté ».
Elle réfléchit un instant, puis s’exclame : « Il y a quelque chose de très étrange pour moi. J’étais en France il y a un mois pour la promotion de ce livre et j’ai répondu à des interviews. Vous êtes la première personne à faire le lien avec les pieds noirs. L’année dernière j’étais en Italie, et les Italiens ont fait le rapprochement entre le livre et la Somalie et j’étais sûre qu’en France il se passerait la même chose. Mais pas une seule personne ne m’a parlé de votre décolonisation. C’est comme si vous, en France, vous n’aviez jamais eu ce genre de problèmes. »
Il est vrai qu’on peine à imaginer un livre du même ordre sur un retour d’Algérie pendant la guerre. Le sujet semble bien trop sensible. « J’avais très peur lorsque le livre est sorti, confie l’écrivain, parce que personne ne parle de ça, et je savais que ce n’était pas ce que les gens voulaient lire sur le sujet. Je m’attendais à ce que ce livre soit mal reçu. Et la première semaine, les librairies se sont retrouvées en rupture de stock. Maintenant, j’en suis à la huitième ou neuvième édition. En réalité, les gens voulaient savoir. »
De la fin du rêve impérial à la fin du « rêve européen »
Dulce Maria Cardoso n’est jamais retournée en Angola. Pourtant, chaque année, des centaines de Portugais s’y installent, chassés de leur pays par la crise. Une réalité qui rend l’écrivain pessimiste. « C’est très triste. Quand je suis arrivée ici, c’était la fin d’un cycle, la fin de l’empire. Maintenant nous sommes de nouveau à la fin d’un cycle, la fin du rêve européen. Mais aujourd’hui nous avons moins d’espoir. Autrefois, les gens qui partaient en Angola, en France ou ailleurs étaient cymbalta and anxiety des pauvres qui n’avaient pas fait d’étude. À présent, ils ont des diplômes et ne trouvent toujours pas de travail. C’est comme si quoi que nous fassions, vivre ici était impossible. »
Le café ferme ses portes. Au moment de prendre une photo, Dulce Maria s’inquiète : « Ca va, mes cheveux ? J’ai couru en venant. » Et, comme pour se justifier d’une question si triviale, elle raconte : « La première fois que j’ai été invitée par des journalistes, il y avait sur le plateau Augustina Bessa-Luis, une célèbre auteure portugaise. Elle était déjà vieille et elle m’a donné un conseil très utile : lorsque tu termines un roman, la seule chose importante, c’est la couleur de ton rouge à lèvres. La promotion, la presse, ça ne doit pas te préoccuper. La seule chose qui compte, c’est d’écrire de bons livres, et une fois que c’est fait, de trouver la bonne couleur de rouge à lèvres. »
Margaux LERIDON